La multiplication des échanges de graines entre collectionneurs du monde entier pose la question de la transmission des maladies par des semences contaminées.
On savait déjà, pour les maladies bactériennes et virales, qu'elles se transmettaient par les semences, mais un document du “Department of plant pathology” de la Cornell University sur le traitement des graines par la chaleur, donne aussi pour la tomate une liste de maladies fongiques qui peuvent se transmettre par des semences infectées:
maladies fongiques transmissibles par des semences infectées: |
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l'alternariose |
l'anthracnose |
le botrytis |
la fusariose |
le mildiou (rare et si reproduction sexuée - souches A1+A2) |
la septoriose |
la verticilliose |
la cladosporiose |
source: http://vegetablemdonline.ppath.cornell.edu/NewsArticles/HotWaterSeedTreatment.html vegetablemdonline
(J'ai rajouté la cladosporiose pour laquelle on a trouvé des graines infectées, d'après plusieurs sites américains et l'article sur ce pathogène de ephytia-inra.)
note: Pour le mildiou, seules les oospores issues de sa reproduction sexuée (présence des deux souches A1 et A2) peuvent être présentes sur les graines de tomates. Les spores habituelles produites par une seule souche ne peuvent pas survivre sur les graines.
C'est la méthode la plus naturelle de nettoyage et de désinfection des graines, et celle que nous employons couramment.
Les levures produisent des enzymes et sécrétions acides qui nettoient le gel et les enveloppes des graines.
Une fermentation bien conduite permet d'éliminer la plus grande partie des organismes pathogènes, principalement ceux qui sont transmis par voie aérienne, et qui infectent le feuillage et se déposent sur l'enveloppe des graines sans pénétrer profondément dans les tissus.
De plus la pellicule solide de bactéries et de champignons qui se forme à la surface ensemence certainement les graines en organismes protecteurs.
Mais est-ce suffisant en cas de contaminations graves?
Non pour les contaminations systémiques, quand le pathogène a pénétré à l'intérieur de la graine via le pollen ou le système circulatoire. Et une fermentation mal menée peut permettre l'introduction de nouveaux pathogènes dans des zones de culture jusque-là indemnes.
Le document de Cornell cité précédemment recommande le traitement à l'eau chaude, 25 minutes à 50°C ou 20 minutes à 51,5 ° pour les graines de tomates. C'est la seule manière de détruire les pathogènes qui ont réussi à pénétrer à l'intérieur de la graine, en particulier des virus et bactéries. C'est le traitement employé par les professionnels. Mais il est très délicat à mettre en œuvre, il faut être très précis (température, durée) sous peine de compromettre la faculté germinative des semences. Il ne doit pas être effectué sur des graines âgées.
Un membre de Tomatoville mentionne l'utilisation d'une bouteille thermos pour le traitement thermique de petites quantités de graines.
L'eau de javel est bactéricide, sporicide, fongicide et virucide.
Le traitement à l'hypochlorite de soude est un deuxième choix. Contrairement à la thermothérapie, il ne peut pas détruire les pathogènes qui ont pénétré à l'intérieur des graines, il n'agit que sur l'enveloppe externe.
Tremper les graines 40 mn dans une solution à 10000 ppm de chlore actif, c'est-à-dire si mes calculs sont bons 3,8 volumes de javel à 2,6% pour 10 volumes d'eau (agiter la solution) puis bien rincer et sécher rapidement pour éviter de démarrer la germination.
La marche à suivre est détaillée ici, (en anglais)
A lire sur http://vegetablemdonline.ppath.cornell.edu/NewsArticles/All_BactSeed.htm vegetablemdonline
Antiseptique, antifongique, antiparasites, certainement utilisé et très accessible et facile d'emploi, mais je n'ai pas trouvé de dosages et d'exemples d'utilisation. Une conférence de l'ITAB en 2008 mentionne le vinaigre, fongicide et bactéricide, pour la désinfection des semences et la destruction des champignons pathogènes transmis par les semences, sans donner de détails.
A voir sur : http://www.itab.asso.fr/downloads/actes%20suite/jt-semences2008.pdf itab.asso.fr
La Société Nationale d'Horticulture de France recommande aussi le vinaigre blanc pour éviter la contamination des graines par des champignons:
Pour la production « maison » de graines, elles doivent de préférence être issues de fruits sains et de plantes saines. De plus, il est recommandé de séparer les graines de la pulpe à l’aide de vinaigre blanc.
source: https://www.jardiner-autrement.fr/fiches-techniques/tomate-alternariose
Pour les champignons pathogènes la conférence de l'ITAB mentionne aussi les bicarbonates de potassium et de sodium, fongicides reconnus contre l'oïdium, la tavelure, le monilia, le botrytis. Spécialité commerciale: l'armicarb (=bicarbonate de K)
Il sont apparemment très utilisés par les jardiniers américains qui les mentionnent sur les forums et les sites de jardinage.
Son utilisation pour l'agriculture est mentionnée aux Etats-Unis jusqu'aux années 60. Pour éliminer les maladies transmises par les graines, les faire tremper dans une solution d'iode à 500 ppm minimum pour au moins une heure. Non phytotoxique, ce traitement semble augmenter le taux et la rapidité de germination.
source: http://www.agri-dynamics.com/pdfs/Iodine%20as%20a%20plant%20protectant.pdf agri-dynamics.com
Très utilisé aussi par les américains pour la désinfection des graines et souvent mentionné sur leurs sites et forums:
“Utilisé, à la suite d'une fermentation classique, pour minimiser les risques de contamination de la génération suivante.” (Fred Hempel, tomatoville)
Tom Wagner l'utilise pour ses graines. (Il mentionne aussi le vieillissement des graines, une année de stockage éliminant beaucoup de pathogènes, et le traitement à la chaleur - 20 mn à 50°)
“Le phosphate trisodique dissout le gel qui enveloppe les graines, enlève de la surface les huiles organiques et les composés inhibiteurs de germination, et aide à détruire les organismes présents sur la surface et dans les crevasses des graines. Très caustique, porter des gants. On peut tremper des graines de solanacées provenant d'échanges avec des gens qui ne traitent pas leurs graines d'abord dans une solution de phosphate trisodique pendant 15 mn puis dans une solution à 10% de javel domestique pendant 30 mn. Je préfère cependant faire cette désinfection au moment de l'extraction des graines. |
Source: http://tatermater.proboards.com/thread/10 tatermater
Le phosphate trisodique est par contre très peu mentionné sur les sites Français.
“Les graines utilisées pour les semis devront être saines. En cas de doute, elles seront désinfectées de la même façon que pour le ToMV . Plusieurs produits sont préconisés pour éliminer le PepMV des graines sans trop pénaliser la germination des graines par la suite, seuls ou en association : hypochlorite de sodium, phosphate trisodique, le Menno-Florades Après ces différents traitements, les semences devront être rincées à l'eau courante, en les agitant bien, puis séchées rapidement… Des traitements par thermothérapie sont également signalés, car le PepMV est très sensible aux hautes températures. |
source: http://ephytia.inra.fr/fr/C/5307/Tomate-Methodes-de-protection ephytia.inra.fr
Je cite l'ITAB, Journée Technique Semences et Plants Biologiques – 22 janvier 2008
Cuivre: traditionnellement utilisé en AB, peu de références récentes |
Acides: vinaigre, acide acétique, ou SDN (acide salicylique, jasmonique) - Pathogènes visés: champignons - Pas de développement commercial |
Source: http://www.itab.asso.fr/downloads/actes%20suite/jt-semences2008.pdf itab.asso.fr
Mentionné lors de plusieurs conférences sur l'agriculture bio en France, il utilise les biocides et les champignons ou bactéries antagonistes qui occupent le terrain et bloquent le développement des pathogènes présents sur les graines.
C'est aussi ce que nous faisons tous en laissant fermenter les graines et en assurant naturellement la présence d'organismes inoffensifs et protecteurs.
Micro-organismes:
Méthode très documentée et plus récente Mode d’action: antagonisme/pathogène - Bactéries / bactéries et champignons: pseudomonas fluorescens (Cédomon – non homolog.), bacillus subtilis (Sérénade – homologué en France) - Champignons / champignons: Trichoderma harzianum (non homologué en France), Plant Shield, Supresivit, Trichodex et Binab Méthode « non universelle » Mise en oeuvre par trempage, poudrage, pelliculage des semences |
Source: http://www.itab.asso.fr/downloads/actes%20suite/jt-semences2008.pdf itab.asso.fr
Origine animale: - la poudre de lait, qui favoriserait les micro-organismes antagonistes |
Origine végétale: - poudre de moutarde, Huiles essentielles, Extraits de plantes: - mode d’action mal identifié - Pathogènes visés: insectes, champignons |
Source: http://www.itab.asso.fr/downloads/actes%20suite/jt-semences2008.pdf itab.asso.fr
Une conférence de l'ITAB en 2008 faisait le tour du problème sur le plan commercial:
“Alors qu’aujourd’hui la plupart des semences biologiques ne sont pas traitées après récolte, plusieurs pistes biologiques sont envisagées pour améliorer leur qualité et pour lutter contre les maladies transmises par les semences.”
Source: http://www.itab.asso.fr/downloads/actes%20suite/jt-semences2008.pdf itab.asso.fr
Devons-nous nous poser la question à propos des graines que nous échangeons?
Dans le cas des maladies fongiques aériennes, le risque est infime, et, dans le cas où des graines auraient été prélevées sur des fruits malades, les spores ne seraient présentes qu'à la surface des graines. Dans le cas de maladies véhiculées par le système vasculaire de la plante le danger est plus grand.
J'ai lu un témoignage mentionnant un jardin dont le sol a été contaminé par le fusarium à partir d'une ou 2 plantes issues d'un échange de graines.
Il faut être rigoureux et ne pas prélever de graines si des pathogènes infectent nos cultures.
Mais quelquefois il est souhaitable de garder les graines de variétés rares ou intéressantes. Que faire dans ce cas?
Heureusement pour les tomaticulteurs,
“les semences des légumes fruits sont en règle générale moins contaminées par des champignons pathogènes que les semences d’ombellifères ou de crucifères.”
Source: http://www.itab.asso.fr/downloads/actes%20suite/jt-semences2008.pdf itab.asso.fr
Mais on parle de maladies du sol qui apparaissent dans des jardins jusque-là indemnes.
Des maladies sont endémiques dans d'autres pays (virus de la mosaïque en Espagne et aux Pays Bas) et ne demandent qu'à s'implanter chez nous..
La désinfection des graines semble s'imposer aux semenciers, n'est-elle pas souhaitable aussi chez les jardiniers échangeurs de graines?
Comme toujours avec le développement très rapide de pathogènes en milieu stérile, des graines bien stérilisées laissent le champ libre à la prolifération de pathogènes en cas de contamination secondaire. Trop de stérilisation peut être dangereux, et un milieu colonisé par des bactéries et champignons bénéfiques se défend mieux.
La méthode traditionnelle de la fermentation bien menée a fait ses preuves, et il est important de ne pas négliger cette étape quand on récolte ses graines. La congélation détruit peut être aussi certains pathogènes sensibles au froid. Mais on a reporté des cas de contaminations de jardins par de nouvelles maladies inconnues jusque-là et ces phénomènes sont inquiétants.
Ici on parle de la façon de récolter les graines, du mildiou et du virus pépino.
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