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Des petites pustules transparentes, qui semblent gonflées de liquide, apparaissent sur les feuilles, les pétioles ou les tiges. Puis, elles se rejoignent pour former de longues zones boursouflées, qui finissent par se dessécher et brunir, provoquant l'enroulement puis la chute des feuilles, la déformation du plant et l'arrêt de sa croissance.
Ce n'est pas une maladie, mais un désordre physiologique, observé sur de nombreuses plantes, et à de très rares exceptions près toujours dans des cultures sous abri ou lumière artificielle. Avec le développement de ce genre de cultures pour la vente de plants les études se sont multipliées, surtout sur certains cultivars particulièrement sensibles: les portes-greffes hybrides de s. habrochaites pour les tomates, et des nouvelles sélections de patate douce ornementale et de géranium lierre.
Ce genre d'explications est complètement remis en cause par les nombreuses recherches plus récentes sur le sujet.
Il était communément admis que l'œdème était principalement causé par un déséquilibre entre la quantité d'eau absorbée par les racines et celle que la plante élimine au niveau des feuilles par la transpiration, et c'est ce que de nombreux sites donnent encore comme cause de ce phénomène.
Le site ephytia-INRA explique que l'œdème se forme surtout lorsque la température du sol est supérieure à celle de l'air, en présence d'une forte humidité du sol et de l'air. En fin de journée, la température de l'air se refroidit rapidement, celle des feuilles aussi (les stomates se ferment) mais le terreau est encore chaud et les racines continuent à absorber de l'eau.
Je cite:
“Il s'ensuit alors une saturation en eau des tissus foliaires à l'origine des intumescences. Celles-ci correspondent à des îlots de cellules, localisés à la face inférieure du limbe, qui se sont « gorgées » d'eau, entraînant parfois une rupture de l'épiderme”
Source: http://ephytia.inra.fr/fr/C/5355/Tomate-Intumescences-sur-feuilles
Or, si l'on peut bien parler d'œdème pour le géranium lierre, en revanche les lésions observées sur la patate douce et la tomate sont de nature et de cause différente. Les chercheurs proposent de réserver la dénomination “œdème” pour le cas du géranium, dont l'épiderme éclate sous la pression de liquides accumulés autour de cellules hypertrophiées, alors que les lésions des tomates ou patates douces, qui sont d'aspect et d'origine différents, montrant également des cellules hypertrophiées mais sans accumulation d'eau dans les tissus, seraient désignées sous le nom d'intumescences.
Pour mieux différencier ces deux catégories de lésions, N. Rud (2009) a montré que pour la patate douce et la tomate, les UV-B arrêtent ou diminuent le développement des lésions, alors qu'ils n'ont aucun effet sur le géranium lierre.
Pour Lang et Tibbitts (1983) l'intumescence n'est pas causée par un excès d'eau du substrat. Leurs tomates tests, “S. habrochaites”, exposées à un rayonnement UV présentaient une forte turgescence et de la guttation matinale (gouttes d'eau qui perlent aux pointes des feuilles) tout en ne montrant aucun signe d'intumescence.
Ils ont également écarté l'hypothèse de l'influence d'un taux d'hygrométrie élevé après avoir constaté des atteintes sévères quels que soient les niveaux d'humidité relative mesurés (de 30% à 92%) de plantes privées de rayonnement UV, et ils ont aussi constaté que la température et l'ouverture ou non des stomates (donc la transpiration) n'avaient pas d'influence sur la formation des tumeurs.
Pour ces études c'est une carence en rayonnements UV-B qui cause l'apparition d'intumescences sur les jeunes plantes.
Source: https://www.researchgate.net/publication/232807763_Factors_controlling_intumescence_development_on_tomato_plants, Journal of the American Society for Horticultural Science
Les études sur l'œdème ont porté sur un grand nombre de plantes différentes, présentant des symptômes semblables, et pour lesquelles elles proposaient des solutions communes. Leurs résultats étaient tellement contradictoires qu'une conclusion s'est imposée finalement: ces symptômes recouvrent des causes différentes et des processus différents suivant les espèces de plantes atteintes.
Les recommandations standard issues des recherches des années 1970 et qu'on répète encore systématiquement se sont dans la plupart des cas avérées sans effet. Au point que face à l'échec répété des mesures conseillées on a recommandé le choix de cultivars résistants.
D'après l'article “ “L'œdème des plantes” du site québéquois “cultures en serres” (qui généralise les mêmes conseils à toutes les espèces présentant ce genre de symptômes):
Un article sur l'œdème de l'université de Caroline du nord (qui maintenant n'est plus disponible) conseillait aux jardiniers:
Toutes ces recommandations ont été prouvées sans effet dans au moins une étude ciblant la patate douce, le géranium lierre ou la tomate. L'excès d'eau, si il peut être un facteur aggravant dans le développement d'intumescences sur les PG de tomates, n'en est en aucun cas la cause première.
Les Tomos qui se sont efforcés d'appliquer ces conseils lors d'attaques d'intumescence dans leurs pouponnières à LEDs ont constaté que les faits contredisent la théorie et les recommandations classiques, par exemple chez Jlstomo46 en 2015:
“Pour l'arrosage et la chaleur du substrat, je doute un peu car c'était là mes premiers semis, ils étaient donc au “rez de chaussée”, donc pas chauffés par en dessous, et comme j'avais bien arrosé mes pots au rempotage, je n'avais pas rajouté d'eau depuis plusieurs jours, il n'y avait pas non plus d'eau stagnante, et maintenant les œdèmes apparaissent en quantité … C'est fou non ?”
Les chercheurs ont remarqué que l'intumescence apparaissait presque exclusivement dans les cultures sous plastique ou dans des chambres de culture sous lumière artificielle, et un dénominateur commun est apparu: le spectre lumineux. Le plastique des serres et tunnels bloque les rayonnements ultra-violets, qui sont également absents du spectre lumineux émis par les éclairages à base de LEDS et centrés sur le spectre de la lumière utile pour la photosynthèse, désigné par l'acronyme PAR, (Photosynthetically Active Radiation).
Des études de plus en plus nombreuses sur le spectre lumineux, et en particulier sur l'influence des deux extrémités du spectre visible (UV et rouge long/infra-rouge) sur la croissance des plantes, ont en grande partie confirmé cette hypothèse, bien qu'on relève quelques résultats contradictoires et que la cause du problème reste encore à élucider.
Les plantes détectent les changements de leur environnement lumineux (quantité, qualité, direction et périodicité de la lumière) à l'aide de 3 familles de photorécepteurs sensoriels:
Sources:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Photomorphogen%C3%A8se
http://www.canna.ca/fr-ca/les_effets_de_la_lumiere_et_du_rouge_lointain_sur_la_floraison>
Dans une étude publiée en Dec 2017 Kubota, Eguchi, et Kroggel ont voulu mesurer la quantité d'UV nécessaire pour éviter l'apparition d'intumescences.
Ils sont partis d'un semis de PG particulièrement sensible, Beaufort (hybride de Solanum habrochaites), sous un éclairage de LEDs à 10% de bleu et 90% de rouge déficient en lumière ultra-violette.
Ils ont ajouté une exposition à des rayonnements UV après la période d'éclairage normalement prévue, et ont constaté que le nombre de feuilles atteintes ainsi que la gravité des atteintes a diminué de façon linéaire en fonction de l'augmentation de la dose d'UV-B appliquée.
Des cultures témoins sous éclairage fluo émettant naturellement des UV-B ont été plus ou moins atteintes en fonction des quantités d'UV-B reçues, aucun problème n'ayant été relevé avec les lampes fluo T12 qui émettent le plus fort rayonnement UV.
Une régression linéaire des résultats obtenus suggère que la dose d'UV-B capable d'éliminer l'intumescence se situerait dans une fourchette inférieure à la dose d'UV-B reçue en extérieur lors d'une journée d'été ensoleillée.
Source: https://arizona.pure.elsevier.com/en/publications/uv-b-radiation-dose-requirement-for-suppressing-intumescence-inju
Alain, (Les Tomos), a pris des mesures rapides dès l'apparition des premières intumescences sur ses PG datterini. Il a installé sur ses pouponnières un supplément d'éclairage UV, des ampoules UVB 10% pour reptiles, auxquelles il a ajouté des ampoules de wood (UV-A).
Plus d'intumescences depuis l'installation du dispositif, expérience à suivre…
voir Les Tomos, mars 2019:
https://www.les-tomos.fr/viewtopic.php?p=7437#p7437
https://www.les-tomos.fr/viewtopic.php?p=8783#p8783
Une étude de 2016 a étudié l'effet d'une combinaison de rouge, rouge lointain (“end-of-day far-red”) et de bleu sur des PG beaufort et maxifort:
Source: Eguchi, Hernández, Kubota, 2016: https://arizona.pure.elsevier.com/en/publications/end-of-day-far-red-lighting-combined-with-blue-rich-light-environ https://phys.org/news/2016-08-treatments-inhibit-intumescence-injury-tomato.html
Rapport rouge clair/rouge sombre:
Une diminution du rapport Rc/Rs entraîne une diminution du taux de ramification et stimule l’élongation des tiges.
Un rapport Rc/Rs élevé, stimule la ramification, réduit la croissance des tiges, ce qui induit la formation de plantes plus compactes.
Morrow et Tibbits (1988) avaient déjà utilisé le rouge et le rouge lointain pour réguler les intumescences, pointant l'implication des phytochromes dans le processus:
Hernandez, Eguchi et al (2016), sur les proportions optimales de bleu et de rouge de l'éclairage conseillé pour les “fermes verticales”, concluent que:
Tomato seedling physiological responses under different percentages of blue and red photon flux ratios using LEDs and cool white fluorescent lamps, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304423816305647
Diverses études de 1990 à 2010 ont montré que la lumière bleue contrôle le fonctionnement des stomates en augmentant la turgescence des cellules de garde et donc provoquant leur ouverture. (gautier, http://www.theses.fr/1991TOU30225) Ce qui suggère qu'elle joue un rôle dans l'utilisation de l'eau par les plantes.
Dans une thèse de 2012 sur l'influence du spectre lumineux sur l'architecture du rosier F. Abidi note que le bleu diminue la photosynthèse alors que sa suppression provoque une élongation des tiges. Mais les effets du bleu sur le rosier ne sont pas franchement marqués, car il existe des interactions entre les trois familles de photorécepteurs sensoriels des plantes, et il constate des phénomènes de compensation qui permettent un développement normal des plantes même sous lumière uniquement bleue. (Pour plus de détails, voir le paragraphe “photorécepteurs sensoriels des plantes”)
Intéressant pour les plants élevés en pouponnière, à l'exception des PG au développement atypique. L'expérience de Jean-François (Tomodori) sur la croissance des plants sous des LEDs de couleurs différentes confirme ces phénomènes: “il y a des étages où les plantules sont de dimension anormalement réduite à cause de la faible stimulation de leur lumière ce qui ne les empêche pas d'évoluer simplement ces plantules seront d'un gabarit très réduit et prendront aussi un peu de retard”
Jean-François sur Tomodori a fabriqué une pouponnière à 10 chambres indépendantes ayant chacune un éclairage LED différent, et a testé dans chaque zone la croissance de 3 cultivars: Cosmonaut Volkov, PG arnold et PG protector. L'apparition de “pustules” au 8ème jour sur les deux PG lui a permis de déterminer que les zones “rapides” (8, 9, 10) à lumière blanche avaient le plus d'intumescences alors qu'elles étaient absentes de la zone 4 à croissance forte elle aussi mais exclusivement bleu royal. Le déplacement des godets en zone 4 diminue puis stoppe les intumescences: “tous les plants qui ont pustulé sous lumière blanche se rétablissent sous bleu royal puis reprennent une croissance normale sans plus avoir de problème de pustulation.”
Dans cette étude poursuivie sur 3 ans il a étudié nombre d'hypothèses:
Le degré d'hygrométrie, la ventilation:
“Je fais depuis ce matin un test ventilation 24/24 a faible vitesse pour écraser la courbe de l'humidité qui monte dès que l'éclairage est stoppé. j'essaie donc de réduire l'humidité phase nuit puisque souvent mes plants ont des gouttelettes en bout de feuille mais pas les PG.”
La différence de température terreau/air pendant la phase nuit, l'ouverture ou non des stomates:
La recherche d'un bon dosage blanc/bleu, combinant bonne croissance et absence de pustules: “j'ai finalement modifié la zone 3 cette zone en mix blanc bleu 21W:14B (trois lignes bleu et 2 lignes blanc) … et ça a l'air de bien fonctionner. il y a actuellement 40 protector semés le 30Mars et (sous le mix depuis le début) pour le moment pas de pustules avec une croissance qui semble équivalente au bleu seul isl sont presque greffables en 1,5mm.”
Conclusion : “Le bleu royal est donc à ce jour la solution la plus efficace contre les pustules, bien sûr il ne s'agit pas de cultiver que en lumière bleue mais plutôt jusqu'à la greffe, pour les porte greffe et uniquement pour eux”
Source: Une poupo ventilo-luminescente: http://tomodori.com/forum/post294592.html#p294592
Dès 2013 avec les premières pouponnières à LEDs et les premières greffes sur des hybrides de s. habrochaites, particulièrement sensibles, on a signalé sur Tomodori les premières graves atteintes d'intumescence, alors que les utilisateurs d'éclairage fluorescent n'étaient presque pas touchés.
Avec les nouveaux éclairages LEDs ce ne sont plus seulement s. habrochaites et les PGs hybrides qui sont concernés. On a signalé des atteintes d'intumescence sur datterini, OR117 et d'autres cultivars.
Ephytia.inra: http://ephytia.inra.fr/fr/C/5355/Tomate-Intumescences-sur-feuilles
L'article “L'œdème des plantes” du site québéquois “cultures en serres” http://www.agrireseau.qc.ca/Rap/documents/bp15cs06.pdf
Physiologie des stomates. Réponse à la lumière bleue des protoplastes de cellules de garde par Hélène Gautier, 1991: http://www.theses.fr/1991TOU30225 (résumé)
les Effets de la qualité de la lumière sur l'élaboration de l'architecture du rosier buisson, thèse de Farouk Abidi, 2012, sur les réactions des rosiers aux lumières bleue et rouge. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00871779/document
Lang et Tibbitts, 1983: factors controlling intumescence development on tomato plants.
Nicole Rud, 2009: Environmental factors influencing the physiological disorders of edema on ivy geranium and intumescences on tomato Elle cherche à déterminer si les UV ont une incidence sur le développement des intumescences sur la tomate et le géranium lierre. Conclusions:
Poster:
https://scisoc.confex.com/crops/2010am/recordingredirect.cgi/id/9789
Thèse:
http://krex.k-state.edu/dspace/bitstream/handle/2097/2380/NicoleRud2009.pdf?sequence=1
post
J Craver, 2012: The effects of UVB radiation on intumescence development and the characterization of lesions from physiological disorders on ornamental sweet potato (ipomoea batatas), tomato (solanum lycopersicum) , and interspecific geranium (pelargonium spp.)
Article:
https://gpnmag.com/article/intumescences-physiological-disorder-greenhouse-grown-crops/>
Thèse:
https://krex.k-state.edu/dspace/bitstream/handle/2097/17552/JoshuaCraver2014.pdf?sequence=3
Eguchi, Hernández, Kubota, 2016: End-of-day far-red lighting combined with blue-rich light environment to mitigate intumescence injury of two interspecific tomato rootstocks
https://arizona.pure.elsevier.com/en/publications/end-of-day-far-red-lighting-combined-with-blue-rich-light-environ
Morrow, Tibbits, 1988: Evidence for Involvement of Phytochrome in Tumor Development on Plants
Rôle du rouge et du rouge lointain sur le développement des intumescences https://www.researchgate.net/publication/11809877_Evidence_for_Involvement_of_Phytochrome_in_Tumor_Development_on_Plants
Kubota, Eguchi, Kroggel, 2017: UV-B radiation dose requirement for suppressing intumescence injury on tomato plants
http://isiarticles.com/bundles/Article/pre/pdf/147361.pdf
Abstract: https://arizona.pure.elsevier.com/en/publications/uv-b-radiation-dose-requirement-for-suppressing-intumescence-inju
Light treatments inhibit intumescence injury of tomato August 30, 2016, American Society for Horticultural Science https://phys.org/news/2016-08-treatments-inhibit-intumescence-injury-tomato.html>
hernandez eguchi et al - 2016: Tomato seedling physiological responses under different percentages of blue and red photon flux ratios using LEDs and cool white fluorescent lamps
abstract
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304423816305647
Vésicules, pustules… c'est de l'intumescence!
JF Saison 2014: http://tomodori.com/forum/post259953.html#p259953
10 Mar 2014 20:34 par Jean-François
Et en 2015, sur “Pouponnière 3 (4?) zones de Papo & LEDs”: http://tomodori.com/forum/post291898.html#p291898
Pouponnière 3 (4?) zones de Papo & LEDs: http://tomodori.com/forum/post299253.html#p299253 - 07 Avr 2015
Version initiale par | Linette | Sur le wiki de Tomodori | novembre 2014 |
Version actuelle par | Linette | Révision du document pour Les-Tomos | mars 2019 |
Discussions sur ce document → | Sujet dédié du forum Les-Tomos |
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