La sauce Grand Veneur d'Auguste (Escoffier)
Publié : 22 juin 2023, 00:17
Sauce grand veneur Escoffier
Bon, on va pas se raconter de salades, y'a son boulot et d'un point de vue diététique, c'est... Escoffier
L'élément de base, celui qui fait qu'on va réussir (ou pas) une grande sauce, c'est le fond brun de gibier, et il est absolument indispensable.
Donc, il faut commencer par là.
Ça, c'est l'étape galère pour moi, car il faut des os, des carcasses et des parures de gibier, et quand on n'a pas de chasseurs dans son entourage, c'est une matière première qui ne court pas les rues.
Quand j'ai la chance de pouvoir en récupérer, je fais aussitôt un fond brun que je congèle en prévision d'une future sauce.
A défaut de gibier, on peut se rabattre sur des os, carcasses et parures de viande d'élevage (dans ce cas, je double la quantité), mais faut pas se leurrer, ce ne sera pas aussi bon.
A - Le fond brun de gibier
Pour environ 1,5 litre de fond
Ingrédients
- 1 kg d'os, carcasses et parures de gibier (2 kg si viande d'élevage)
- 50 gr beurre
- 5 cl d'huile
- 2 carottes
- 2 gros oignons
- 3 bouteilles de vin blanc sec (sans aller se ruiner dans un grand cru, en choisir néanmoins un de bonne qualité, parce que, SI, la différence se sent vraiment, et qu'à se lancer dans un chantier pareil, c'est dommage de tout gâcher en lésinant avec une piquette bas de gamme)
- 1 beau bouquet de persil
- 1 branche de céleri
- 7 baies de genièvre
- 1 pincée de sauge
- 3 gousses d'ail écrasées
- thym
- 2 feuilles de laurier
- 2 clous de girofle
- 4 tomates bien mûres coupées en 4
- armagnac (ou cognac)
Préparation
1°/ faire bien dorer les os, carcasses et parures dans le mélange beurre + huile, puis ajouter carottes et oignons finement émincés et faire cuire à feu moyen pendant une quinzaine de minutes en remuant souvent.
2°/ dégraisser, et flamber à l'armagnac
3°/ ajouter le vin et faire réduire de moitié à gros bouillons
4°/ ajouter le céleri, le persil, les tomates, les épices, et laisser cuire à petits bouillons pendant au moins 2h30
5°/ filtrer au chinois, réserver une nuit au frigo puis dégraisser.
Attention, ne pas saler ce fond (ou très peu), car quel que soit son usage ultérieur, il sera la plupart du temps réduit et qu'on risque alors une mauvaise surprise.
Le fond brun est prêt, on a la base pour la sauce grand veneur proprement dite. On peut le congeler, c'est génial de l'avoir ensuite tout prêt. Essayer au moins de le préparer quelques jours à l'avance, parce que quand on se lance dans ce genre de sauce, c'est généralement pour une grande occasion, et qu'on a déjà bien assez à faire la veille et le jour J.
B - La marinade cuite
C'est celle dans laquelle on va mettre la viande à mariner. A préparer comme on en a l'habitude, en choisissant là aussi un vin correct, pour les mêmes raisons que pour le fond brun.
On porte l'ensemble des ingrédients à ébullition dans une casserole, on fait réduire d'environ un tiers ou la moitié, on laisse refroidir complètement, puis on utilise exactement comme une marinade crue.
Il faudra 40 cl de cette marinade cuite et refroidie pour préparer la sauce grand veneur proprement dite.
En tenir compte quand on calcule la quantité de marinade à préparer.
Voilà, les pré-requis sont prêts, on a tous les ingrédients, on peut enfin commencer à préparer la sauce.
C - La sauce grand veneur (enfin !!!)
Ingrédients pour environ 30 cl de sauce finie)
- 1 carotte
- 1 gros oignon
- 175 gr beurre
- 40 cl de la marinade (cuite et refroidie) de la viande
- 50 cl de bon vinaigre de vin vieux ou de Xérès
- 1 litre de fond brun de gibier
- 1 cs gelée de groseilles
- 5 à 10 cl de crème fraîche
Préparation
Attention, on ne sale et poivre qu'après la dernière réduction
1°/ faire revenir carotte et oignon finement émincés dans 80 gr de beurre
2°/ ajouter la moitié de la marinade (20 cl), le vinaigre, et faire réduire jusqu'à ce qu'il reste 1/3 du volume initial
3°/ ajouter le fond brun et laisser cuire trois bons quarts d'heure à petits bouillons
4°/ ajouter le reste de la marinade et faire réduire jusqu'à obtenir 1/3 du volume.
Saler, poivrer et filtrer au chinois
5°/ incorporer progressivement le reste du beurre très froid coupé en petits morceaux en fouettant bien, puis la gelée de groseilles et la crème.
Et voilà, y'a plus qu'à déguster religieusement ce chef d'oeuvre !
Bon je sais que ça a l'air d'un chantier pas possible, et ça l'est vraiment si on n'est pas bien organisé.
Mais quand on a son fond brun qui attend au congélateur, ou depuis quelques jours au frigo, et la marinade étant déjà faite depuis la veille, la préparation de la sauce en elle-même se fait tranquillou
De plus, on peut tout à fait la préparer la veille, réchauffée, elle est tout aussi parfaite.
C'est bien du boulot, juste pour une sauce, me direz-vous, et c'est pas faux. Sauf que ce n'est pas une "sauce", c'est une symphonie.
A réserver à des convives qui l'apprécieront. Je n'oublierai jamais comment, la première fois que je me suis lancée, au lieu de savourer ce bijou avec la ferveur qu'il mérite, mes convives ont boulotté ça comme du ketchup. Y'en a même un qui m'a demandé si j'aurais pas une bière à la place du bon (et cher) vin que j'avais servi. Et pourquoi pas du coca, aussi ?
J'ai quand même eu droit à un "sympa, ta petite sauce" lâché sur un ton distrait par le nouvel amoureux d'une copine, au milieu des innombrables et indigestes détails du plan de financement du futur gîte rural qu'il voulait monter (la bière, c'était lui aussi, un vrai gougnafier. Heureusement, il n'a pas fait long feu, celui-là).
Après, il n'est pas nécessaire d'être fin gourmet pour être super sympa, mais quand on met les petits plats dans les grands, autant que ce soit pour des personnes qui vont apprécier.
J'ai beau être du genre psycho-rigide avec les recettes traditionnelles, et considérer comme un sacrilège de toucher ne serait-ce qu'à un grain de sel d'une recette du grand Auguste, je dois confesser qu'il m'est parfois arrivé, à la fin, de remplacer une partie du beurre par du foie gras et que... c'est encore meilleur !
Voilà, et si de courageux Tomos cuisiniers et gastronomes font le grand saut, qu'ils nous racontent !
Bon, on va pas se raconter de salades, y'a son boulot et d'un point de vue diététique, c'est... Escoffier
L'élément de base, celui qui fait qu'on va réussir (ou pas) une grande sauce, c'est le fond brun de gibier, et il est absolument indispensable.
Donc, il faut commencer par là.
Ça, c'est l'étape galère pour moi, car il faut des os, des carcasses et des parures de gibier, et quand on n'a pas de chasseurs dans son entourage, c'est une matière première qui ne court pas les rues.
Quand j'ai la chance de pouvoir en récupérer, je fais aussitôt un fond brun que je congèle en prévision d'une future sauce.
A défaut de gibier, on peut se rabattre sur des os, carcasses et parures de viande d'élevage (dans ce cas, je double la quantité), mais faut pas se leurrer, ce ne sera pas aussi bon.
A - Le fond brun de gibier
Pour environ 1,5 litre de fond
Ingrédients
- 1 kg d'os, carcasses et parures de gibier (2 kg si viande d'élevage)
- 50 gr beurre
- 5 cl d'huile
- 2 carottes
- 2 gros oignons
- 3 bouteilles de vin blanc sec (sans aller se ruiner dans un grand cru, en choisir néanmoins un de bonne qualité, parce que, SI, la différence se sent vraiment, et qu'à se lancer dans un chantier pareil, c'est dommage de tout gâcher en lésinant avec une piquette bas de gamme)
- 1 beau bouquet de persil
- 1 branche de céleri
- 7 baies de genièvre
- 1 pincée de sauge
- 3 gousses d'ail écrasées
- thym
- 2 feuilles de laurier
- 2 clous de girofle
- 4 tomates bien mûres coupées en 4
- armagnac (ou cognac)
Préparation
1°/ faire bien dorer les os, carcasses et parures dans le mélange beurre + huile, puis ajouter carottes et oignons finement émincés et faire cuire à feu moyen pendant une quinzaine de minutes en remuant souvent.
2°/ dégraisser, et flamber à l'armagnac
3°/ ajouter le vin et faire réduire de moitié à gros bouillons
4°/ ajouter le céleri, le persil, les tomates, les épices, et laisser cuire à petits bouillons pendant au moins 2h30
5°/ filtrer au chinois, réserver une nuit au frigo puis dégraisser.
Attention, ne pas saler ce fond (ou très peu), car quel que soit son usage ultérieur, il sera la plupart du temps réduit et qu'on risque alors une mauvaise surprise.
Le fond brun est prêt, on a la base pour la sauce grand veneur proprement dite. On peut le congeler, c'est génial de l'avoir ensuite tout prêt. Essayer au moins de le préparer quelques jours à l'avance, parce que quand on se lance dans ce genre de sauce, c'est généralement pour une grande occasion, et qu'on a déjà bien assez à faire la veille et le jour J.
B - La marinade cuite
C'est celle dans laquelle on va mettre la viande à mariner. A préparer comme on en a l'habitude, en choisissant là aussi un vin correct, pour les mêmes raisons que pour le fond brun.
On porte l'ensemble des ingrédients à ébullition dans une casserole, on fait réduire d'environ un tiers ou la moitié, on laisse refroidir complètement, puis on utilise exactement comme une marinade crue.
Il faudra 40 cl de cette marinade cuite et refroidie pour préparer la sauce grand veneur proprement dite.
En tenir compte quand on calcule la quantité de marinade à préparer.
Voilà, les pré-requis sont prêts, on a tous les ingrédients, on peut enfin commencer à préparer la sauce.
C - La sauce grand veneur (enfin !!!)
Ingrédients pour environ 30 cl de sauce finie)
- 1 carotte
- 1 gros oignon
- 175 gr beurre
- 40 cl de la marinade (cuite et refroidie) de la viande
- 50 cl de bon vinaigre de vin vieux ou de Xérès
- 1 litre de fond brun de gibier
- 1 cs gelée de groseilles
- 5 à 10 cl de crème fraîche
Préparation
Attention, on ne sale et poivre qu'après la dernière réduction
1°/ faire revenir carotte et oignon finement émincés dans 80 gr de beurre
2°/ ajouter la moitié de la marinade (20 cl), le vinaigre, et faire réduire jusqu'à ce qu'il reste 1/3 du volume initial
3°/ ajouter le fond brun et laisser cuire trois bons quarts d'heure à petits bouillons
4°/ ajouter le reste de la marinade et faire réduire jusqu'à obtenir 1/3 du volume.
Saler, poivrer et filtrer au chinois
5°/ incorporer progressivement le reste du beurre très froid coupé en petits morceaux en fouettant bien, puis la gelée de groseilles et la crème.
Et voilà, y'a plus qu'à déguster religieusement ce chef d'oeuvre !
Bon je sais que ça a l'air d'un chantier pas possible, et ça l'est vraiment si on n'est pas bien organisé.
Mais quand on a son fond brun qui attend au congélateur, ou depuis quelques jours au frigo, et la marinade étant déjà faite depuis la veille, la préparation de la sauce en elle-même se fait tranquillou
De plus, on peut tout à fait la préparer la veille, réchauffée, elle est tout aussi parfaite.
C'est bien du boulot, juste pour une sauce, me direz-vous, et c'est pas faux. Sauf que ce n'est pas une "sauce", c'est une symphonie.
A réserver à des convives qui l'apprécieront. Je n'oublierai jamais comment, la première fois que je me suis lancée, au lieu de savourer ce bijou avec la ferveur qu'il mérite, mes convives ont boulotté ça comme du ketchup. Y'en a même un qui m'a demandé si j'aurais pas une bière à la place du bon (et cher) vin que j'avais servi. Et pourquoi pas du coca, aussi ?
J'ai quand même eu droit à un "sympa, ta petite sauce" lâché sur un ton distrait par le nouvel amoureux d'une copine, au milieu des innombrables et indigestes détails du plan de financement du futur gîte rural qu'il voulait monter (la bière, c'était lui aussi, un vrai gougnafier. Heureusement, il n'a pas fait long feu, celui-là).
Après, il n'est pas nécessaire d'être fin gourmet pour être super sympa, mais quand on met les petits plats dans les grands, autant que ce soit pour des personnes qui vont apprécier.
J'ai beau être du genre psycho-rigide avec les recettes traditionnelles, et considérer comme un sacrilège de toucher ne serait-ce qu'à un grain de sel d'une recette du grand Auguste, je dois confesser qu'il m'est parfois arrivé, à la fin, de remplacer une partie du beurre par du foie gras et que... c'est encore meilleur !
Voilà, et si de courageux Tomos cuisiniers et gastronomes font le grand saut, qu'ils nous racontent !