Plus tard j'ai eu un peu envie de creuser sur la vie de ces araignées, et je me souviens d'avoir lu des choses croquignolettes sur leur reproduction, qui a quelques similitudes avec celle des mantes religieuses (la femelle cherche à dévorer le mâle) , quoique ça se passe complètement différemment au final.
Je vais essayer de vous raconter ça, mais si je me souviens à peu prés de l’essentiel, j'ai oublié quelques détails, alors je vais broder un peu
Donc Chez les Épeire fasciées la femelle est volontiers cannibale, et l'accouplement est hautement périlleux pour le mâle.
Avec le temps, la femelle est devenue de plus en plus grosse et agressive, et a de moins en moins supporté de se voir sauter dessus sans le moindre préliminaire.
"Moi les petits machos de 5 mm je n'en fais qu'une bouchée !". Et malheureusement, ça n'était pas qu'une façon de parler
"Et puis d'abords je vais penser à ma carrière. pour les enfants on verra plus tard ..."
Bref, les mâles se faisaient tous occire, et la survie de l'espèce était gravement en péril.
De fait, les mâles survivants, qui sont beaucoup plus petits que les femelles, ont commencé à se remettre un tantinet en question, très timidement, et très progressivement.
Tout d'abords ils ont décidé d'établir leurs toiles à proximité de celle de la femelle, histoire de pouvoir la garder à l’œil et l'observer. Bon évidemment cela était un peu à double tranchant car en cas de disette, la femelle n'hésitait pas à faire une razzia dans cette source de protéines toute proche.
Mais bon ... il était temps de faire évoluer les pratiques et élaborer des stratégies intelligentes.
Stratégie numéro 1
Tada ... c'est la même qu'avant !
On y a va à donf, à la hussarde. On fonce et on oublie qu'on a aucune chance.
Sur un malentendu ça peut marcher
Et puis hin,
100% des gagnants ont tenté leur chance !
Bon, ces kamikazes, tout petits qu'ils étaient, n'échappaient pas aux yeux (et aux crochets) perçants de la femelle. Hop là : paralysés, liquéfiés, sucés ....
Rien à faire, ça ne marche pas. Il faut trouver autre chose !
Stratégie numéro 2
L'avantage quand on observe bien, c'est que ça donne des idées.
Notamment celle d'attaquer au bon moment : celui ou la femelle est repue après avoir siroté un gros insecte, de type sauterelle. Au petit matin c'est encore mieux. Comme elle est nocturne, c'est le moment ou elle s'assoupit, et d'autant plus qu'elle à bien mangé.
Allez tauïau !
Ca aurait pu marcher, oui mais bon ... la femelle, à la plus petite vibration de sa toile, sent qu'on s'introduit chez elle sans s'annoncer. Et ça ça ne lui plait pas !
Et puis, même si elle a bien mangé, elle n'est pas contre se garder un petit en-cas pour son 16 h.
Alors le pauvre mâle finit sa carrière emmailloté dans un coin de la toile. Peste ! Encore loupé !
Stratégie numéro 3
Nos amis mâles ont pris l'habitude de se réunir pour chercher ensemble des solutions.
Et c'est ainsi qu'est née cette idée lumineuse d'attaquer en groupe. En faisant l'assaut simultanément, tous ensemble, sur la femelle, genre nuage d'abeilles mâles (ou viol collectif dans la cité), il y aura certes des pertes, mais les plus chanceux devraient pouvoir aller jusqu'au bout, et réussir la mission.
Allez tous ensemble, tous ensemble !
Oui mais l'argiope frelon est vraiment trop individualiste de nature, alors ...
"Tiens passe le premier le premier toi !"
'"Pourquoi moi. Et pourquoi pas toi ?".
Bref : confusion, panique déroute, bérezina, et une belle rigolade pour la femelle
Stratégie numéro 4
On commence à sentir un peu d’abattement chez les rares rescapés.
En tous cas c'est le retour aux stratégies individuelles.
On tente une nouvelle approche. la femelle grossit vite, et elle mue de temps à autre. Il semble judicieux d'attaquer juste après la mue, quand elle elle encore un peu "molle", notamment ses crochets, momentanément inoffensifs.
Pas bête ! et c'est historiquement la première stratégie a avoir quelques chances de succès
L'espèce est sauvée et on aurait pu en rester là mais ...
Le problème c'est qu'avec un peu de soleil les crochets se raffermissent assez vite. Il ne faut pas traîner en route, être au point G à l'heure H, et expédier l'affaire en quelques secondes.
Faisable oui, mais stressant, et un peu insatisfaisant ....
Et alors, une nouvelle génération, de mâles, ont commencé à penser autrement ....
Ces mâles ont continué à se réunir de temps à autre. Des idées un peu révolutionnaires ont émergé. Certains ont même parlé de "disruption" !
"Et si pour changer, on essayait de se monter plus civilisé ?"
"Ho oui, on pourrait se présenter, faire un brin de cour, se montrer aimable".
"Séduire la femelle

".
Oui mais comment ?
"Il y a d'autres espèces d'araignées qui font ça très bien, pourquoi ne pas s'en inspirer ?"
"Par exemple l'araignée Paon a une bonne technique. j'ai vu des vidéos sur Youtube. Impressionnant !"
"Ouais ça se tente !"
Stratégie numéro 5
Certains mâles bien élevés ont donc tapé à la porte de la toile de la femelle et lui ont fait leur petit numéro : lecture de poèmes, compliments, numéro de claquettes à huit pattes ...
La femelle a bien rigolé ... et puis elle les a croqués !
Stratégie numéro 6
Grosse gamberge dans l'assemblée des mâles modernes !
"Comment veux tu toucher la sensibilité d'une ogresse pareille ! elle ne pense qu'à bouffer !"
"Aucun romantisme. la sensibilité d'un alien ..."
"oui mais alors, si elle est si gourmande, on pourrait lui apporter un petit cadeau, genre une grosse mouche ... ça ne pourrait que lui faire plaisir, et autre avantage : l'occuper un peu, pendant qu'on fait vite fait notre petite affaire

"
"Ha ouais, pas con !"
"D'accord, mais heu, "grosse mouche" bon hein, je ne fais que 5 mm maxi et je suis pas rambo alors elle se contentera d'une petite mouche anesthésiée"
Hop, quelques volontaires enthousiastes tentent leur chance ...
Hé bon ... la femelle est effectivement sensible à ce petit présent :
"Ha c'est gentil, fallait pas ! tiens mets toi là. je m'avale ton petit amuse bouche et je m'occupe de toi juste après

"
Nouvel échec !
Stratégie numéro 7
"C'est un nouvel échec les copains !"
"Bah, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain (qu'est ce que je raconte moi ?). Enfin bref : tout n'est pas forcément à jeter. Il faut améliorer la technique ..."
"Ha oui, offrir un cadeau sans emballage, ça manque un peu de savoir vivre !"
"Tu as raison, tissons un emballage de fil de nylon renforcé 3 épaisseurs autour de notre mouche-cadeau. Et bon courage à elle pour forer un trou dedans et pomper l'intérieur

"
Hop, mise en oeuvre immédiate, et nouveaux volontaires à l'entrée de la toile de la femelle :
"Ho qu'est ce que c'est ? une surprise ?

ho que je suis impatiente ..."
Et pendant que la femelle s’escrime à percer le cocon et y met un certain temps malgré ses grosse mandibules, le mâle a tout le temps de déposer sa semence et même de s'esquiver tranquillement.
Stratégie numéro 8
Hé oui, il y a une stratégie n° 8 !
L'observation a montré que certains mâles ont fini par se demander si cela valait tellement le coup de piéger une grosse mouche, de faire le rodéo dessus pour l'immobiliser, au risque de leur vie, de produire 3 fois plus de fil que leur volume corporel, pour en faire un beau petit cocon renforcé, et tout ça pour les beaux yeux d'une garce ingrate doublée d'une ogresse.
Alors ces mâles se présentes avec leur cadeau chez la femelle, font leur truc pendant qu'elle déballe leur cadeau.
"Ho une surprise, blablabla ...."
Et se tirent vite fait avant qu'elle réalise qu'il n'y a aucune mouche dedans
